Sites de rencontres : Le livre qui explore les e-boulets

19 Juillet 2017

Backstage vous propose aujourd'hui de la lecture...Il y a une dizaine d'années, trouver l'âme sœur sur Internet restait une démarche confidentielle. Rares étaient ceux ou celles qui le criaient sur les toits. Aujourd'hui, ce mode de rencontres est devenu aussi commun que de chercher un F3 sur seloger.com
Paula Haddad, journaliste, a passé 10 ans sur les sites de ce genre, en voguant d'espoirs en désillusions. Elle aurait pu en tirer un manuel sociologique ou un précis de  psychologie. Elle a préféré opter pour la carte de l'humour. Son premier livre est un guide pratique du type « best of du pire », où elle dissèque un monde peuplé d'individus tous plus bizarres les uns que les autres, de rencontres improbables et de comportements surréalistes. Si vous partez en vacances, ou si vous avez besoin de vous détendre et vous vider la tête, c'est l'ouvrage idéal à glisser dans sa poche, ou dans sa valise entre la crème solaire et le maillot de bain... 
Backstage a rencontré l'auteur de « J'ai liké ton profil…et  j'aurais pas dû » (ed. Archipoche) *. Interview.


Dix ans de passage sur les sites de rencontres, c'est extrêmement long ça ?

Certes, mais attention, la période de 10 ans a été interrompue par des pauses régulières de survie indispensable ! On se promet qu'on y reviendra plus, et puis, on reçoit un message et hop, c'est reparti... J'ai vogué d'espoir en désespoir jusqu'au moment où j'ai arrêté complètement de recourir à ce mode de rencontres. L'idée du livre m'est venue il y a 4 ou 5 ans. J'avais accumulé des expériences bizarres ou inégales, qu'on peut qualifier de « foireuses ». Comme celle de cet homme qui a annulé plusieurs fois un rendez-vous parce que son chien avait une hernie, ou de celui qui est muet au rendez-vous, mais qui ouvre la bouche à la fin pour te demander de payer l'addition, j'en passe et des meilleures...Toutes ces histoires avaient pour point commun d'être susceptibles de figurer dans un recueil. J'avais donc en tête deux objectifs : le premier c'était de transcender toutes ces mésaventures en essayant d'être drôle. Le second était de dire aux potentielles lectrices: si vous aussi êtes passées par là, ne vous inquiétez pas, vous n'êtes pas seule ! Je voulais tenter de rassurer et de déculpabiliser les gens, car dans une telle situation, on finit par se dire que si on attire que des tocards, c'est qu'on peut-être soi-même un phénomène de foire. C'est aussi un décryptage de ce que j'ai appelé le « e-boulet », cet homme du web qui accumule les bévues ! (photos ratées, pseudos, messages...). J'ai fait appel à Joëlle Passeron, illustratrice à Biba qui a assuré les dessins.


L'humour est, dit-on souvent, la « politesse du désespoir », vous devez être très désespérée ?

Je le suis beaucoup moins depuis que j'ai écrit ce livre ! Parce que j'ai rencontré d'autres femmes qui m'ont confortée dans l'idée qu'effectivement il y a beaucoup de désespoir dans ces 1001 rencontres du web. En même temps, l'outil internet exacerbe particulièrement les choses. Ce n'est heureusement pas le reflet de la vie en 2016. C'est juste la vie 2.0, où on trouve des excès de langage, de comportement qu'on n’aurait pas (toujours) dans la vraie vie. L’écran protège de la réalité, il n’y a ni comptes à rendre, ni lendemains à assumer. Le lendemain étant d’ailleurs toujours un nouveau jour car il y a un choix énorme de profils, tant pour les hommes que pour les femmes.
Je termine d'ailleurs le livre en comparant les comportements dans la vraie vie (In Real Life) et sur le Net pour faire le point sur les différences d'attitude. Et il y a une grande différence bien entendu.
Le livre est un best-of du pire, mais je tiens à ajouter qu'il y a quand même de belles histoires qui naissent, enfin parait-il. Mais les bons sentiments ne donnent pas toujours matière à faire un livre !


Quels enseignements vous avez tiré de cette expérience ?

Je n'ai pas cherché à faire ma propre analyse, mais à rester avant tout dans la légèreté et à être accessible pour que tout le monde même celui qui n'a jamais expérimenté les sites puisse découvrir ce monde. Mais je retiens plusieurs choses : sur le Net, on vit comme dans une bulle, et on a presque peur à l’idée qu’elle éclate. On en vient même à s’étonner quand quelqu'un vous parle « pour de vrai » sans vous agresser, ce qui est souvent le cas sur les sites. On est totalement conditionné car on s'habitue à un type d’échanges par le chat, le message, les « montre moi ta photo, ah non, j'en veux une autre » etc. Je me suis moi-même probablement enfermée dans ce système de communication dont j'ai eu du mal à sortir. Le livre a mis un point final à ce type de rencontres !


Ces sites se développent et se multiplient, est-ce que vous seriez à même de donner des conseils aux candidat(e)s à l'amour 2.0 ?

Je n'ai pas voulu me poser en donneuse de leçons, seul l’humour permet d’être un peu ironique ! (voire un peu beaucoup). Je me suis inscrite à une époque où ces sites restaient confidentiels, peu démocratisés, et où les célibataires en « recherche » n’avaient pas le réflexe de liker ou pas des profils. Mais si je devais donner un conseil, ce serait de rester soi-même, ou du moins d'être le plus proche de qui on est. C'est le seul moyen d’attirer ceux qui nous ressemblent le plus. Cela ne veut pas dire qu'on va réussir à détecter les fameux « e-boulets » qu’on découvre malheureusement parfois le jour du rendez-vous ! Mais si on est dans une démarche sincère, on n’a rien à perdre... Après si l'usure se fait dans le temps, il faut se demander si l'outil est fait pour soi. Et veiller à ne pas s'abîmer. On ne se rend pas tout de suite compte des dégâts quand on accumule des « dates » bizarres. Il y a beaucoup d'agressivité, de violence, et une sélection impitoyable sur le physique. Sur certains sites, il y a des options qui proposent la possibilité « d’éliminer ses rivales »... C'est un concours, donc psychologiquement, on peut en sortir fatiguée. Mais si on se contente de 3 ou 4 rendez-vous, on aura juste perdu du temps… Personnellement je l’ai rattrapé en écrivant ce livre.


Comment ont réagi les lecteurs que vous avez rencontrés ?

Certains me racontent des histoires semblables et me disent qu’ils auraient plein d’anecdotes à me raconter. D'autres ont eu des belles histoires, avec mariages et enfants, le bingo en somme, et se reconnaissent en se disant : « Ouf, a y est, on est sorti de ce système ». Loin de moi l'idée de faire une théorie définitive sur la question. Dans la vie, il y a des gens qui rencontrent tout de suite la bonne personne, et d'autres qui mettent beaucoup plus de temps (trop). Sur Internet c'est pareil.


Vous avez des conseils pratiques à donner pour repérer un e-boulet ?

Pour certains il y a quand même des indices grâce à la photo qui tue (devant la Golf GTI, avec une armée de nanas en bikini, chez mamie…), l’orthographe (« slt », « kikou, sa va ? »), les propositions douteuses (« On se retrouve à 22h près de chez moi ? ») etc. D’autres profils ne donnent aucun signe pour fuir, donc impossible de donner des conseils, ce n’est pas l’objet réel du livre. Détecter le e-boulet chez quelqu'un de normal en apparence reste donc compliqué, même avec une grande expérience du Net ! Et puis, ces sites fonctionnent un peu comme dans l'émission « The Voice ». Au début, on fonctionne à l'aveugle (ou presque), mais le gagnant est rarement très moche !


Avec le recul, vous êtes résignée ou dégoûtée ?

Ni l'un, ni l'autre. J'ai eu la naïveté de persister en me disant à chaque désillusion que le suivant serait cette fois peut-être « le bon ». C'était une expérience intéressante mais il fallait revenir de façon concrète à la vraie vie. Ce n'est pas plus facile mais on est bien plus soi-même, il n'y a pas cet écran de fumée. Avec les sites de rencontres, on s'est quittés...mais en bons termes !


Pour vous procurer le livre, c'est par ici : http://www.amazon.fr/Paula-Haddad/e/B01BKUFRWE

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